mercredi 6 février 2019

L'ETRANGER (Albert CAMUS)

Quelques dizaines d'années séparent ma première lecture de cet œuvre de  celle de 2019.

Dans le roman  "Meursault, contre-enquête" Haroun, le personnage de  Kamel Daoud,  synthétise ainsi le roman d'Albert Camus :

"Je vais te résumer l'histoire avant de te la raconter : un homme qui sait écrire tue un arabe qui n'a même pas de nom ce jour-là - comme s'il l'avait laissé accroché à un clou en entrant dans le décor - puis se met à expliquer que c'est la faute d'un Dieu qui n'existe pas et à cause de ce qu'il vient de comprendre sous le soleil et parce que le sel de la mer l'oblige à fermer les yeux."

Ce petit résumé m'a amusé, mais je reconnais que l'ouvrage de Camus est  beaucoup plus que ce qu'en dit ce petit texte.

Le protagoniste, Meursault, est le narrateur de sa propre histoire. C'est un personnage sans empathie,  indifférent, pour ne pas dire étranger, aux autres et aux événements qui le concernent. Le décès de sa mère ne l'affecte pas, l'amour de Marie l'indiffère, son meurtre de l'arabe ne le perturbe pas.

Sa façon de se comporter  lors de son procès est telle qu'il  n'est plus jugé pour le meurtre mais pour avoir mis sa mère dans un asile, son attitude lors de ses obsèques et d'être allé avec Marie  le lendemain de l'enterrement se baigner,  au cinéma puis faire l'amour.

"l’Étranger" est un roman assez court, fort bien écrit,  dont la lecture est prenante. Avec ce personnage nous entrons dans le monde de l’absurde.

MEURSAULT, CONTRE-ENQUETE (Kamel DAOUD)

Le narrateur de cette histoire, Haroun,est  le frère de l'arabe tué par Meursault.

 Ancien fonctionnaire à l'inspection des domaines, Haroun est un vieillard plein de rancœur. Il vit à Oran. Sa M'ma est encore vivante.  Attablé dans un bar, buvant du vin, il raconte son existence. A qui s'adresse-t-il ? à lui-même ? à Meursault ? à Camus ? au lecteur ?
Dans la première partie de l'ouvrage il parle surtout de  Moussa, son frère, "l'arabe" assassiné. Sa mère ne se remettra jamais de ce deuil : la tombe est vide,  le corps n’a  jamais été retrouvé. L'ombre de ce frère a affecté toute sa vie :
 "j'ai tant de fois souhaité tuer Moussa pour retrouver la tendresse perdue de M'ma, pour récupérer mon corps et mes sens, pour... Étrange histoire tout de même. C'est ton héros qui tue, c'est moi qui éprouve de la culpabilité, c'est moi qui suis condamné à l'errance".... (P57)

Dans la dernière partie Haroun parle de l'Algérie actuelle, de l'Indépendance à laquelle il n'a pas participé ce qui lui sera reproché lorsqu'il sera interrogé pour avoir assassiné "le roumi Joseph" :
"...Il se mit à bégayer qu'il y avait une différence entre tuer et faire la guerre, qu'on était pas des assassin mais des libérateurs, que personne ne m'avait donné l'ordre de tuer ce français et qu'il aurait fallu le faire avant. "avant quoi ?" ais-je demandé. "avant le 5 juillet ! oui avant, pas après, bon sang !" (p. 119).

L'auteur fait de nombreuses références au livre de Camus en prêtant à son personnage des événements et des actes  identiques ou contraires à ceux de Meursault :
L'incipit : "aujourd'hui maman est morte" ; "Aujourd'hui , M'ma est encore vivante",
l'assassinat : Meursault abat un inconnu appelé l'arabe, Haroun abat un français, Joseph Larquais,
Meursault est aimé de Marie, Haroun aime Mariem.
Dans les dernières pages, Meursault a une altercation violente avec l’aumônier de la prison, Haroun avec l'imam.
Enfin, la dernière phrase des livres : "il me reste à souhaiter qu'il y ait beaucoup de spectateur le jour de mon exécution et qu'ils m'accueillent avec des cris de haine" (A.camus). "je voudrais moi aussi, qu'ils soient nombreux mes spectateurs , et que leur haine soit sauvage". (K.Daoud).

Bon livre mais certains passages m'ont paru un peu nébuleux.